Droit social – non, la « théorie du préjudice nécessaire » n’a pas disparu

On a longtemps considéré que la théorie « du préjudice nécessaire » en matière de contentieux social avait disparue depuis un arrêt  de la Cour de cassation du 13 avril 2016 (n°14-28.293)  (théorie selon laquelle certains manquements de l’employeur ouvrent « automatiquement »  droit à réparation pour le salarié, sans même que celui-ci n’est à démontrer l’existence d’un préjudice).

Or, force est d’admettre que cette théorie existe encore bel et bien dans les arrêts rendus de nos magistrats du quai de l’horloge.

En effet, ces dernières années, l’existence de préjudices « automatiques » a été reconnue dans plusieurs cas de figure, comme par exemples :

  • En cas de violation de la vie privée du salarié par l’employeur (Soc, 12 novembre 2020),
  • En cas d’absence d’information du salarié sur l’étendue de son droit individuel à la formation (Soc, 19 octobre 2016),
  • En cas de perte injustifiée de l’emploi par le salarié (Soc, 13 septembre 2017),
  • Ou encore en cas de licenciement pour motif économique si l’entreprise était tenue de mettre en place des institutions représentatives du personnel et n’avait accompli aucune diligence en ce sens, privant ainsi le salarié d’être représenté et de voir ses intérêts défendus, (Soc ; 17 octobre 2018),

Une nouvelle illustration nous est même été offerte dans un récent du 26 janvier 2022 (Soc. n°20-21.636) :

Au cas d’espèce, un employé avait été contraint à travailler plus de cinquante heures par semaine, mais la Cour d’appel avait rejeté sa demande d’indemnisation au motif qu’il ne démontrait pas « très exactement en quoi ces horaires chargés lui avaient porté préjudice ».

La Cour a cassé cette décision au motif que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation ».

Le préjudice nécessaire résultant du comportement fautif de l’employeur existe donc toujours, et son champ d’application se précise.

Dans l’arrêt précité, l’avocate générale avait appelé la Cour à réserver la notion de préjudice nécessaire aux seuls « droits fondamentaux  protégés et garantis par la constitution et les règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière », formulation qui ouvre la porte à de nombreuses possibilités.

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