Procédure d’expulsion – dette de loyer – la loi a changé 

La Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite est venue modifiée plusieurs dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (cadre législatif de référence pour la location de locaux d’habitation et/ou mixtes professionnels).

Dans sa rédaction en vigueur depuis le 29 juillet 2023, l’article 24-V de la loi du 6 juillet 1989, dispose que :

‘le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois ans par dérogation au délai prévu par l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative’.

Larticle 24-VII de cette même loi ajoute :

‘lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.’

Ainsi, ces nouvelles dispositions distinguent désormais clairement les délais de paiement de la suspension de la clause résolutoire, les premiers n’entraînant plus la suspension automatique de la seconde.

Le Juge peut donc tout à fait octroyer des délais de paiement tout en rejetant la demande de suspension des effets de la clause résolutoire.

Par ailleurs, il est intéressant de s’attarder sur la rédaction de ce nouvel article 24-VII qui prévoit que le Juge peut suspendre les effets de la cause résolutoire, « lorsqu’[il] est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire »

Cette rédaction permet de considérer qu’en l’absence de demande de suspension formée par le locataire à l’audience, cette suspension ne puisse plus être accordée d’office par la juridiction.

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Le cabinet de Me Aurélien BOUILLOT, Avocat au Raincy (93), vous conseille et vous assiste afin de protéger vos intérêts.

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Divorce – évaluation de la prestation compensatoire et vocation successorale

Lorsqu’il existe une disparité importante de revenus entre les époux au moment du divorce, le conjoint aux revenus les plus faibles peut revendiquer, sur l’autre, une certaine somme d’argent destinée à compenser la perte de niveau de vie qu’il va subir du fait de la séparation : c’est ce qu’on appelle « la prestation compensatoire ».

Pour fixer le montant de cette obligation, les juridictions tiennent classiquement compte des critères énumérés à l’article 271 du Code civil, que sont :

  1. la situation des époux au moment du divorce et l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
  2. la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux,
  3. la qualification et la situation professionnelle des époux,
  4. les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et le temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
  5. le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,
  6. leur situation respective en matière de pension de retraite.
  7. [Et plus généralement] leurs droits existants et prévisibles,

C’est au sujet de ce dernier critère que c’est posé la question de savoir si la vocation successorale des époux (qu’il faut comprendre comme le droit pour un successible d’être appelé à une successions) devaient être pris en compte dans la fixation du quantum des prestations compensatoires.

Prenons le cas d’école suivant :

Un couple divorce après 14 ans de mariage. L’époux est cadre dans l’industrie et dispose d’un salaire moyen de 4.000,00 EUR. mensuels ainsi que d’une situation professionnelle stabilisée depuis plusieurs années.

Son épouse est quant à elle sans activité depuis quelques années et ne dispose, depuis la séparation, que d’aides sociales pour lui permettre de subvenir à ses besoins, de sorte qu’elle devrait être en principe créancière, sur son époux, d’une prestation compensatoire d’un montant substantiel.

Mais l’épouse est aussi fille unique de parents particulièrement fortunés, toujours vivants mais très âgés, et héritera prochainement d’une fortune colossale qui l’a placera totalement à l’abri du besoin.

Dans cette situation, l’épouse est-elle toujours en droit d’obliger son conjoint à lui payer une prestation compensatoire (pour rappel, destinée à compenser la perte de niveau de vie occasionnée par la séparation) ?Autrement dit, la vocation successorale d’un époux doit-elle être prise en considération par le Juge pour limiter le montant d’une prestation compensatoire ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation s’en était remise à l’appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 2e, 11 févr. 1981, n° 79-14.612), de sorte que les solutions variaient d’une espèce à l’autre.

Mais par un arrêt remarqué du 16 février 2022, la Cour de cassation a confirmé une interprétation de l’article 271 du Code civil faite en 2005, en considérant que la vocation successorale devait être exclue « des droits prévisibles » visés par cet article.

Partant, la vocation successorale des époux ne doit pas être pris en compte par les juridictions dans l’évaluation du quantum de la prestation compensatoire.

Cette solution est cohérente puisqu’effectivement, rien ne garantit qu’au moment de leur décès, ces parents fortunés n’auront pas épuisé leur fortune, ne laissant à leur enfant unique qu’un maigre capital, voir même des dettes.

Il n’existe en effet pour les héritiers, même réservataires, aucun droit acquis dans la succession de leurs parents, lesquels restent, jusqu’à leur décès, les seuls maîtres de leur patrimoine.

La vocation successorale n’est ainsi qu’un droit éventuel, dont la réalisation réside dans les mains d’un tiers, ce qui la rend imprévisible.

Retrouvé l’arrêt de la Cour de cassation : Civ. 1re, 16 févr. 2022, FS-B, n° 21-20.362